Les nouveautés apportées par les newgTLDs (09/2013)

À l’occasion de la participation de Keep Alert à la 27ième conférence annuelle de MARQUES, association des titulaires de marques européennes, le magazine IPPro The Internet a organisé une table ronde au sujet du programme de nouvelles extensions internet (NewgTLDs) organisé par l’Internet Corporation for Assigned Names and Numbers (ICANN). Stéphanie Lacroix, Corporate Account Manager, chez Keep Alert, a répondu aux questions d'IPPRO.

Le nouveau programme gTLD prend forme - quelles sont les évolutions les plus significatives que les candidats doivent garder à l'esprit d'un point de vue IP? Stéphanie Lacroix : Les premières extensions validées par l’ICANN vont paraitre à la rentrée 2013 avec la première sunrise period prévue en octobre 2013. Les candidats aux nouvelles extensions se sont engagés à respecter la Trademark Clearinghouse (TMCH). Cette base de marques enregistrées et actives a pour objectif de permettre aux marques d’enregistrer leur nom à l’identique dans les nouvelles extensions en priorité, avant les autres critères d’éligibilités spécifiques à chaque registre. Les candidats doivent donc se tenir informé des changements concernant la TMCH de manière à adapter leurs critères d’éligibilité pour la sunrise period. Les futurs registres doivent également valider les processus de résolution des litiges dans leur extension pour les périodes d’enregistrements prioritaires (sunrise, landrush, premium…) afin de déterminer comment attribuer un nom de domaine demandé par deux entités distinctes.

Que pensez-vous de la décision d'interdire les extensions génériques fermés? Est-ce la bonne décision? Stéphanie Lacroix : Les candidatures se sont développées autour du guide du candidat validé par l’ICANN. Les extensions génériques fermées ne vont pas à l’encontre de ce guide. Ce premier round n’avait tout simplement pas prévu ce type de demande et d’utilisation des nouvelles extensions. Il est dommage qu’après 12 versions, ce type de candidature ne soit pas envisagé. Certains candidats ont profité de cette faille et ont perçu le potentiel marketing et commercial que de telles extensions leur conféreraient. Ces extensions génériques fermées sont un réel atout pour le candidat puisqu’elles permettent d’attribuer un terme générique à une entité privée sans limite dans le temps. Ainsi, L’Oréal pourrait être associé au terme « Hair »,  ou « Skin » pour les internautes au détriment de ses concurrents, NIVEA par exemple.  Il s’agit d’un réel avantage commercial. Cependant peut-on trouver normal, d’un point de vue étique, de conférer l’utilisation d’un terme générique à une entreprise unique et ainsi priver ses concurrents d’en profiter également ? Une telle situation dans le droit des marques serait immédiatement rejetée et Richemont ne pourrait pas enregistrer la marque « WATCHES » par exemple. Nous attendons la décision du board à ce sujet mais nous ne pouvons que regretter que ce sujet n’ait pas été considéré en amont, avant le lancement du programme. Qu’elle que soit la décision maintenant, elle sera incomprise, soit par les candidats, soit par leurs concurrents.

Le nouvel accord de registre a été finalisé, est-ce ce que vous attendiez, et quoi d’autre pouvait-il avoir inclure? Stéphanie Lacroix : Nous pouvons déjà nous réjouir que le contrat de registre soit enfin finalisé. Il s’agissait d’une étape indispensable pour que le programme des nouvelles extensions puisse continuer à avancer. L’ICANN a également terminé la nouvelle version du contrat de registrar qui a été révisé ces derniers mois. Dans ces deux contrats nous pouvons cependant souligner un point d’achoppement entre les exigences de l’ICANN et la législation européenne concernant les informations WHOIS. L’ICANN demande au registre de publier un WHOIS complet reprenant l’ensemble des informations personnelles du titulaire. Cette exigence se confronte ainsi à la loi européenne concernant la protection des informations personnelles des titulaires des noms de domaine. Nous attendons donc un retour sur ce point spécifique qu’il reste à finaliser.

Le système WHOIS va être modifié.  A quoi devrait ressembler son remplaçant,  en tenant compte de l'équilibre qui doit être trouvé entre le respect de la vie privée et le fait de faciliter la lute contre les contrefacteurs IP? Stéphanie Lacroix : Le système de WHOIS doit absolument rester une base publique accessible à tous. Ce changement de structure du WHOIS est une bonne opportunité pour harmoniser le format délivré par les registres et les registrars. Cela rendrait les WHOIS plus accessibles au grand public qui peine parfois à trouver la bonne information. Pour les systèmes de surveillance de marque, il s’agit également d’un point essentiel pour aider les titulaires de marques à lutter contre le cybersquatting et les utilisations frauduleuses des noms de domaine. Ce nouveau WHOIS devrait également permettre une plus forte identification des titulaires afin de diminuer les faux contacts ou les informations obsolètes. Les informations des particuliers pourraient ne pas être publiées dans les WHOIS afin de respecter leur vie privée mais cependant elles doivent rester accessibles facilement et suivant une procédure harmonisée entre tous les registrars et registres, notamment en cas d’atteinte au droit des marques.

Ces mises à jour signifient que les nouveaux gTLD se rapprochent. Que reste-t-il à faire? Stéphanie Lacroix : Un sujet reste ouvert sur la protection des droits qui ne sont pas compris dans la Trademark Clearinghouse comme les noms des collectivités, des appellations d’origines contrôlées par exemple. Certaines extensions sont particulièrement impactées par cette limite de la TMCH comme les candidats pour les .WINE par exemple. Il semble qu’un acteur non négligeable soit toujours à l’écart de ce programme de nouvelles extensions : le grand public. Les principaux efforts à engager maintenant doivent être orientés vers les internautes de manière à les sensibiliser à l’arrivée de ces nouvelles extensions avec comme des articles dans la presse grand public. Dans le même temps, une nouvelle phase s’ouvre entre les futurs registres et les registrars. Il est indispensable pour les candidats d’attirer les registrars, de leur expliquer les critères d’éligibilité car ils seront les garants du succès de chaque extension. Le marketing et la communication doivent être les maître-mots des candidats dans les prochains mots et feront le succès ou l’échec de ce premier round de nouvelles extensions.

Comment vos clients ressentent les nouveaux gTLD par rapport à quand le programme a été annoncé? Stéphanie Lacroix : Le programme des nouvelles extensions commence à prendre forme et les marques peuvent enfin comprendre en quoi ce programme consiste. Le programme a été annoncé en 2008 et à cette époque il était très difficile d’attirer l’attention des marques sur ce programme qui n’avait pas de réalité pour elle. Actuellement, nombre de nos clients considèrent ce nouveau programme comme un centre de coût important dans un contexte économique difficile. Les noms de domaine dans les extensions « traditionnelles », la TMCH, et les frais d’enregistrement des noms de domaine par nouvelle extension pertinente représentent un budget non négligeable pour les marques qui peinent parfois à comprendre l’intérêt de ce nouveau programme. Au-delà de la problématique coût, la seconde inquiétude de nos clients concerne l’augmentation des cas de cybersquatting dans des extensions parfois plus pertinentes que les extensions pays comme les génériques .SHOP ou .BUY par exemple et dans les extensions sectorisées. Ce premier round modifie les chartes de nommages déjà en place chez nos clients, et les incite à mettre davantage de surveillances sur leurs marques pour détecter les noms de domaine enregistrés dans l’ensemble des extensions et rationaliser les budgets d’enregistrements. Il faut tout de même souligner qu’après avoir abordé la question du coût, beaucoup de nos clients perçoivent des opportunités commerciales ou marketing sur les extensions qui correspondent à leur secteur d’activité ou à leur zone géographique. Nous voyons un nombre grandissant de client qui intègre ces nouvelles extensions dans leur plan marketing et envisage donc des enregistrements de noms de domaine actifs et non uniquement pour protéger leurs marques.

Pensez-vous que nous verrons un intérêt accru pour les futures sessions de candidature? Stéphanie Lacroix : Nous pouvons prévoir que le second round sera très certainement populaire pour les candidats aux extensions géographiques. Les extensions géographiques de ce premier round (.NYC, .LONDON, .PARIS, .MOSKOW….) attireront sans aucun doute de nouveaux candidats. Les marques seront également très intéressées par ce second round, notamment pour les marques en concurrence avec un candidat de ce premier round. Dans ce cas, les marques devront candidater pour leur propre extension pour diminuer l’avance prise par les candidats du premier round. À l’inverse, le second round sera certainement composé de moins d’extensions génériques car les plus intéressantes sont déjà proposées dans ce premier round. Le succès de ce premier round quelques années après la sortie de la dernière extension déterminera également l’enthousiasme des candidats pour le second round.